Préface : (…) Dans ce texte, Maurras revient avec une précision remarquable sur sa conception fédéraliste et décentralisatrice de la Nation. Pour l’ancien signataire de la Déclaration des Jeunes Félibres, manifeste régionaliste qui explosa en 1892 à la face d’une République crispée sur son jacobinisme, l’attachement aux autonomies locales, aux « franchises » provinciales, à cette ancienne France « hérissée de libertés » (Funck-Brentano), est restée la constante de toute une vie. Après la lecture d’un tel texte, nul ne pourra encore écouter sans sourire la rengaine désuète sur le « nationalisme jacobin » de Maurras (…).
À la « nation-contrat » des jacobins qui identifie société et État en les transcendant dans une « volonté générale » improbable, et qui sert de fondements à la « République une et indivisible », Maurras oppose une toute autre conception de la nation, réaliste, historique et politique. La nation n’est pas le fruit d’une juxtaposition d’individus isolés reliés par les seuls partis politiques. C’est un agrégat de « corps », de familles, de villes et de provinces. Elle est une pyramide de cercles concentriques qui relient les hommes et au sein desquels circule la sève de la communauté. Le modèle national jacobin ne s’est bâti que sur la déconstruction et l’oblitération de ces cercles intermédiaires. Le pluralisme idéologique de ces oligopoles que sont les partis s’oppose au pluralisme social. La démocratie ne veut voir que des individus égaux et uniformes, extraits de leurs racines et de leurs appartenances particulières.