Synthèse empirique de nos constats
Par Philippe Germain
La science politique maurrassienne nous pousse à tenter une synthèse empirique sur le retour DU politique, la reconfiguration idéologique qu’il implique et le surgissement de monstres civilisationnels. Pour cela, nous nous appuyons sur les études publiées dans la revue laboratoire d’idées de l’école d’Action française, la Nouvelle Revue Universelle. Particulièrement celles de Gilles Varange, Pierre Debray, Michel Michel, Gérard Leclerc, Dominique Decherf, Élie Detrèves mais aussi Pierre-André Taguieff ainsi que des éditoriaux de Christian Franchet d’Espèrey et Axel Tisserand.
Depuis 2019, la planète connaît une montée continue de tensions. La Pandémie, la guerre d’Ukraine, la guerre de Palestine et, plus discrètement mais symboliquement, l’éclatement du concept d’alliance occidentale. Cette fièvre planétaire traduit un dérèglement profond, où s’additionnent le retour des religions et la revanche des nations. Ces deux chocs marquent une réaction à l’actuelle phase historique de mondialisation. Celle-ci s’inscrit dans une séquence plus large : après l’ère des masses (1914-1945), puis la guerre froide (1946-1990), la mondialisation devait inaugurer un monde pacifié par l’économie. Or, c’est l’inverse qui se produit : le retour DU politique balaie les illusions d’un ordre mondial régi par les flux et les normes. La saint-simonienne primauté de l’économie s’efface. Tout comme recule la mode néo-droitiste du culturel d’abord. Ce qui redevient central, c’est la capacité des États-nations à assurer la concorde intérieure et la sécurité extérieure. Ce qui prime désormais, c’est la rivalité d’intérêts entre États-nations. Le politique, brutalement revenu, ouvre la perspective vertigineuse d’une rupture avec le cycle historique progressiste, entamé en 1776 en Amérique et 1789 en France. Ce cycle repose sur l’idéologie des Lumières, qui a transformé l’idée chrétienne de progrès en religion du progrès sans limite. Aujourd’hui, cette foi progressiste est remise en cause jusque dans ses fondements. Écologiquement, elle est accusée d’avoir fait de l’homme une fin en soi. Songeons à Gunther Anders, Jacques Ellul, Zigmunt Bauman ou encore à la vieille papauté romaine.
Une reconfiguration idéologique s’opère planétairement. Trois pôles se dégagent : progressiste, islamique, réactionnaire. Ce dernier, bien que fragmenté — du souverainisme russe au national-libéralisme israélien, en passant par le nationalisme hindou ou l’impérialisme chinois —, attire de plus en plus de nations et d’empires renaissants. Il compose un baroque camp du refus de la mondialisation qui déplace le centre de la planète vers la zone indopacifique, au détriment du continent européen. Le camp du bien rétrécit car l’Amérique protectionniste s’est affranchie de l’ancienne alliance « occidentale », laissant l’Europe et le Canada seuls garants du projet libéral-démocratique affaibli. Son pôle idéologique — l’oligarchie technocratique, le milieu médiatique et la caste universitaire — perd son hégémonie et entame son processus de déclin. Celui-ci, pour être ralenti électoralement, s’accompagne désormais d’un compromis idéologique passé avec le pôle islamique. Ce dernier a stabilisé son territoire dans un arc allant de l’Iran en passant par la Turquie à l’Indonésie et a identifié la seule l’Europe, comme Dar al Harb — maison de la guerre —, donc aire d’expansion possible. La transformer temporairement en Dar as-sulh — maison de la trêve — devient sa stratégie d’influence. Ce compromis entre progressisme et islamismerepose sur la dynamique démographique : or, le camp du bien, frappé par la décélération et le vieillissement, est en déficit de vitalité.
Cette reconfiguration idéologique marque une transition decycle historique. Pourtant, le futur cycle post-progressiste potentiellement réactionnaire tarde à s’imposer car trop idéologiquement hétérogène. Pendant ce temps, le vieux cycle progressiste, miné par le déclin du courage et sa culture de mort, cherche à ralentir sa chute grâce au compromis idéologique. Mais ce répit n’est que l’agonie de la phase de mondialisation car deux monstres émergent dans cet entre-deux. Le monstre nihiliste de la déconstruction, dit wokisme, renouvelle anthropologiquement la civilisation des Lumières. Il substitue à l’Homme un être dé-genré et racisé, coupé de ses racines latines. L’autre monstre, islamo-gauchiste, cherche à dissoudre la nation dans une fusion entre racialisme-décolonialiste et trou noir islamiste dont influence reste faible, sauf auprès des millions d’immigrés musulmans des banlieues. Son enjeu consiste à remplacer les trois civilisations chrétiennes par la civilisation coranique. Dans les deux cas, l’enjeu est de nature civilisationnelle et concerne le continent européen affaibli.
Après cette dramatique synthèse, l’empirisme organisateur nous rappelle qu’en politique tout désespoir est une sottise absolue. C’est pourquoi outre les lueurs de l’illibéralismehongrois ou du libéral-conservatisme italien, il faut vérifier s’il n’existerait pas une réelle opportunité française que le néo-maurrassisme pourrait aider à fournir.
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